Fabienne Blaise : Pourquoi présenter ma candidature ?

Enseignante-chercheuse à l’université Lille 3 depuis 1992 (après y avoir été étudiante dès 1976), j’ai fait le choix de me présenter à la candidature à la présidence de l’université. Ce choix n’était pas pour moi une évidence.  Les sept présidents que j’ai vus passer avaient pour seul point commun de devoir exercer une charge écrasante, qui oblige à sacrifier beaucoup d’aspects de sa vie personnelle et des activités professionnelles qui sont pourtant au cœur du métier quand on a choisi d’être enseignant-chercheur : l’enseignement et la recherche.

Mais la situation actuelle m’oblige à cette décision, au nom de tout ce que m’a apporté notre communauté universitaire. Depuis quelques années, j’observe en effet avec inquiétude l’évolution de l’université Lille 3, rejointe dans mes analyses par un grand nombre de collègues : des choix politiques ni clairement explicités ni véritablement discutés ; une coupure profonde entre l’équipe de direction et le reste de l’université ; des dissensions, de plus en plus visibles, au sein même de l’équipe de direction, bien avant cette campagne électorale ; des conseils qui  - trop souvent – sont réduits à jouer le rôle de chambres d’enregistrement et à qui on confisque les dossiers stratégiques (IDEX, université de Lille).

Je ne pointe là que les problèmes qui sont la conséquence d’un choix de gouvernement n’obéissant pas, à mon sens, aux exigences de transparence et de débat qui doivent présider à la direction d’une université : ce n’est pas simple affaire de communication, encore moins de pédagogie, comme si la question était simplement d’informer les collègues. Sont en cause les modalités qui règlent l’élaboration des décisions. Il est difficilement concevable de considérer que les enseignants-chercheurs et l’ensemble des personnels impliqués dans les activités inhérentes au fonctionnement de l’établissement ne sont pas compétents a priori pour penser l’université et son devenir. Il est regrettable de considérer si peu les étudiants comme des interlocuteurs qui ont leur mot à dire et des propositions à faire pour une vie collective meilleure au sein de notre université.

Ces problèmes affaiblissent notre université à un moment pourtant crucial pour son avenir. La perspective de l’Université de Lille exige que Lille 3 soit crédible pour affirmer clairement la place des humanités et des sciences humaines et sociales, tant sur le plan de la recherche que de la formation, au sein de l’institution universitaire et de la société.

Comme je dois beaucoup à cette université et à ce qu’elle représente, il m’a semblé que je devais prendre mes responsabilités, entourée de collègues syndiqués et non syndiqués. Le choix de me présenter avec le soutien de mon syndicat et dans le cadre d’une alliance syndicale tient à ma conception collective de l’action politique, dans une université comme dans la société : c’est parce que j’ai déjà été choisie par un collectif (mon syndicat, le SNESUP, puis l’alliance qu’il a formée avec le SGEN-CFDT) que je pense pouvoir assumer la mission de la présidence. Je ne conçois pas celle-ci en solitaire : mon objectif est de constituer une équipe solidaire, diversifiée, efficace, au service et à l’écoute de la communauté universitaire.

Investie depuis longtemps dans des responsabilités collectives au sein de Lille 3 (j’ai été élue au conseil de l’UFR de lettres classiques, au Conseil scientifique, au conseil de documentation, à la direction de l’UMR « Savoirs et textes », puis de l’UMR STL), j’ai été élue directrice de la MESHS en 2008, à un moment de conflits très durs entre les universités Lille 1 et Lille 3, et entre les universités et le CNRS. Il m’a fallu, à ce poste, entourée d’une équipe solide et diverse, relever le défi de structurer la recherche en humanités et sciences humaines et sociales dans la région et donc de faire travailler ensemble plus de trente laboratoires et huit établissements qui ne se connaissaient pas ou mal, et qui parfois se méprisaient. Comme chacun pourra en témoigner, la MESHS a toujours fonctionné avec des principes clairs et démocratiques. Elle a toujours encouragé une recherche de qualité qui ne soit pas soumise aux injonctions d’exclusion et de mise en concurrence, notamment dans le cadre du PIA.

Ma connaissance des dossiers importants qui m’attendent, si je suis élue présidente de Lille 3, vient de mon expérience à la direction de la MESHS. J’ai été amenée à travailler avec les équipes de direction de toutes les universités de la région, les responsables de l’enseignement et de la recherche du conseil régional, le CNRS, le réseau national des Maisons des sciences de l’homme, ainsi qu’avec les acteurs politiques (vice-présidente recherche du Conseil régional, communauté urbaine de Lille, Direction générale pour la recherche et l’innovation, représentant de l’Etat en région) et parfois les acteurs économiques de la région (conseil de développement Lille-Métropole, pôles de compétitivité…). Ma connaissance large du terrain et de ses acteurs et l’estime mutuelle qui s’est instaurée sont essentielles pour pouvoir peser fermement dans la constitution de l’université de Lille.

Mes responsabilités dans deux UMR et à la MESHS m’ont permis d’avoir un projet pour la recherche au sein de l’université et de défendre une ligne claire, où la recherche interdisciplinaire et sur programme ne doit pas faire oublier qu’elle ne peut exister sans recherche disciplinaire forte et sans soutien ferme et récurrent aux laboratoires. Elles m’ont permis également d’agir pour la reconnaissance de nos disciplines et de leurs missions sociales. J’ai su défendre, au niveau régional et national, une recherche qui ne doit être ni instrumentalisée, ni soumise à des critères purement économiques. Je me suis également engagée, avec mon équipe, dans une politique de médiation scientifique active, en œuvrant pour la diffusion de nos savoirs auprès d’un public large. Je souhaiterais partager cette expérience-là aussi avec notre communauté universitaire.

Si mes dernières responsabilités m’ont portée davantage du côté de la recherche que de la formation, je garde une connaissance vive des questions de formation, du fait de mes responsabilités antérieures, du fait aussi que mes fonctions au service de la recherche ne m’ont jamais amenée à négliger mon activité d’enseignante, du fait encore que je conçois recherche, formation et devenir des étudiants comme indissociables.

J’ai appris qu’une stratégie politique pouvait être menée à bien si l’on se donne un certain nombre de principes, que l’on affiche, et une méthode lisible et partagée pour les mettre en œuvre. J’ai appris aussi que rien ne peut se faire si l’on n’accepte pas de s’exposer – même si cela nous met parfois en danger – en énonçant ses modalités d’action, au sein de son équipe et au-delà de cette équipe. C’est là, selon moi, assumer ses responsabilités de présidente sans tomber dans la personnalisation à laquelle incite la loi LRU.

Je pourrais me contenter des fonctions que j’occupe à la MESHS, dont le bilan est positif puisqu’elle est parvenue à imposer l’idée, y compris à des interlocuteurs à l’origine dubitatifs, que les humanités et les sciences humaines et sociales en région étaient fortes et nécessaires. Mais à ce moment décisif pour les universités, il s’agit pour moi de défendre et de promouvoir les humanités et les sciences humaines et sociales en étant candidate à la présidence de l’université qui, à Lille, les incarnent.

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